Rencontre avec Christian
Comment as tu découvert l'impression 3D et qu'est ce qui t'a donné envie de t'y mettre ?
C’était en 2012/2013 à l’époque où on entendait de plus parler des imprimantes 3D et où sortaient les premiers drones. On en était encore à se demander à quoi cela pouvait bien servir. Je suis tombé sur un article dans La Dépêche qui parlait d’eMotion Tech et je me suis dit que j’allais aller voir par moi-même. Je suis donc arrivé dans leurs anciens locaux et j’ai été reçu par Guilhem qui m’a expliqué tout ce qu’il y avait à savoir sur les imprimantes et sur l’impression 3D en général.
À l’époque, je possédais un drone mais j’avais envie de créer mon propre modèle. Pour cela, j’avais acheté une CNC mais il m'était impossible de fabriquer certaines pièces comme par exemple la gimbal. J’aurais pu la réaliser en plusieurs morceaux à assembler mais je la voulais en un seul bloc. L’utilisation d’une imprimante 3D s’est donc révélée être LA SOLUTION à mon problème.
Grâce à eMotion Tech, j’ai pu entrevoir le potentiel de cette technologie et j’en ai vu de suite l'intérêt. Il a donc fallu que je me forme au dessin 3D via des logiciels de modélisation (CAO) pour pouvoir commencer à utiliser les imprimantes 3D.
Est-ce que cela a été difficile pour toi d'apprendre à modéliser en 3D ?
J’étais totalement néophyte en dessin 3D et il m’a tout d’abord fallu trouver un logiciel de 3D qui ne soit pas Catia ou Solidworks car les licences étaient très chères. Il existe de nombreux logiciels gratuits sur internet mais ils n’étaient pas assez complets selon moi. J’ai fini par choisir Geomagic Design qui est un logiciel payant très complet qui permet de créer toutes les pièces dont j’ai besoin et même de simuler des assemblages.
Quelles(s) machine(s) possèdes-tu ?
J’ai un atelier dans mon garage qui est plutôt bien fourni. J’ai une Prusa i3 Rework rebaptisée depuis “i3 CC” (d’après mes initiales) qui a été modifiée pour accueillir une surface d’impression de 20X40 cm. Je possède aussi une i3 Métal Motion dont j’ai eu l’honneur d’être un des beta-testeurs. C’est de base une très bonne machine mais j’ai eu envie de la personnaliser. Pour cela, j’ai déplacé le bouton on/off sur la face avant, ajouté un coffrage sur les côtés et modifié le guidage du filament et du câble moteur. J’ai également une CNC de chez ID-Conception vendue en kit qui est entièrement en bois et dont je suis très satisfait ainsi qu’un tour à métaux.
Récemment, je me suis lancé dans un nouveau projet : créer et fabriquer ma propre imprimante 3D. Je suis parti de la philosophie des machines que je possédais et que j’ai améliorées. J'essaie de mettre le meilleur de tout ce qui existe sur les imprimantes 3D. Je l’ai donc baptisée la “CC 3030” (CC pour mes initiales et 30X30 pour la surface d’impression). L’électronique est celle d’eMotion Tech et pour la structure, j'ai utilisé du profilé aluminium. J’envisage d’y ajouter des pistes électriques disposées sous le plateau pour éviter les câbles nécessaires à la chauffe du lit et à la thermistance.
Où as tu trouvé les informations pour modifier tes machines ?
J’ai tout imaginé, adapté ou fabriqué moi-même. Je suis technicien micromécanicien de base et ma carrière pro a évolué vers un poste d’électronicien donc je maîtrise autant la partie méca que la partie élec.
Pourquoi avoir choisi ces modèles-là ?
Pour la Prusa i3 Rework, je pense que c’est le fait qu’ils aient pris le temps de me recevoir, de me présenter les machines en détail qui a vraiment déclenché ma décision d’achat. Dans le cas de la i3 Métal Motion, c’est l’ajout de ce nouveau palpeur mécanique qui m’a vraiment donné envie de l’acheter. Je n’en avais pas réellement besoin parce que j’avais déjà ma Prusa i3 Rework mais je me suis dit qu’il me la fallait absolument. Sans compter le prix qui était vraiment très intéressant. Un vrai coup de cœur.
Et les autres marques alors ?
Au final je n’ai jamais testé de machines d’une autre marque pour la simple et bonne raison que mes machines eMotion Tech me convenaient parfaitement. Donc je n’ai jamais ressenti le besoin d’aller voir ce qui se faisait ailleurs. Je sais que je peux passer vous voir si j’ai un souci et que j’aurais toujours une oreille attentive pour écouter et résoudre les soucis que je peux rencontrer. Plus que ça, j’ai vraiment de l’admiration pour les fondateurs qui ont eu le cran de se lancer dans la création d’une entreprise à une époque où c’est de plus en plus difficile. Ils ont fait cela simplement, en prenant leur temps et en restant toujours proches de leur clientèle.
Parlons de ta Prusa i3 “CC”. Pourquoi l'as-tu modifiée ?
Tout d’abord pour augmenter sa capacité d’impression grâce à un plateau plus grand mais aussi pour améliorer ses performances en terme de stabilité et de vibration. C’est d’ailleurs un problème qui a été totalement résolu sur la i3 Métal Motion grâce à sa structure lourde en tôle pliée et aux renforts latéraux. Et puis aussi pour le plaisir tout simplement car j’aime bricoler et obtenir un produit plus personnel complètement adapté à mes besoins.
Tu bricolais déjà beaucoup, bien avant de te mettre à l'impression 3D. Qu'est-ce que cela a apporté de nouveau dans tes méthodes de travail ?
Grâce à mes imprimantes 3D, j’ai désormais la possibilité de réaliser des pièces à la demande et parfaitement adaptées à mes projets. Cela me permet aussi de créer plusieurs prototypes à faibles coûts.
Tes créations reflètent vraiment une volonté de fabriquer ce qui te manque. T'arrive-t-il de parfois de penser que ce serait plus facile d'acheter ces objets plutôt que de les créer ?
Non, jamais. Premièrement parce que je n’ai jamais trouvé dans le commerce certains des objets que j’ai créés. C’est le cas de ma station d’accueil Iphone et Apple watch pour lesquels il existait bel et bien un support pour chacun, mais jamais les 2 ensemble. Je l’ai donc fabriquée moi-même. L’impression 3D est pour moi un moyen de pallier au manque d’un objet qui n’existe pas et dont j’ai besoin.
Pour les entrées d’air de ma voiture (Secma F-16 - voir l'image e couverture de l'article), ces pièces n’existaient tout simplement pas car c’est un modèle très simple qui n’a que très peu d'accessoires. J’ai donc créé (entre autres) une boîte à gants, un support de GPS et de tablette, un porte gobelet, des vides poches. Aucun de ces accessoires n’existe dans le commerce. J’aurais tout aussi pu modifier des modèles qui existent déjà, mais rien n’aurait été aussi parfaitement adapté que quelque chose que j’ai dessiné et fabriqué moi-même. C’est pour moi le plus grand avantage de l’impression 3D.
Actuellement, ton plus gros projet est la customisation de ta voiture. Penses-tu que toutes ces améliorations auraient été possibles sans imprimante 3D ?
Non, la tôlerie aurait pu être une option mais je n'ai ni les compétences, ni le matériel pour les réaliser. De plus, je n’aurais jamais eu la même qualité de finition ni le même rendu visuel. La possibilité de modifier le prototype et de pouvoir le tester rapidement est aussi un gros plus.
Selon toi, l'imprimante 3D est-elle devenue un outil indispensable pour réaliser de gros projets, au même titre que la CNC ?
Pour moi, les deux machines sont complémentaires. En utilisant les deux ensemble, tu arrives à des projets bien plus aboutis comme c’est le cas pour mon tableau de bord de Coyote. J’ai tout d’abord fabriqué la casquette avec mon imprimante 3D et le reste a été découpé dans du carbone à l’aide de ma CNC. Si je n’avais pas possédé les deux, le rendu aurait été tout autre.
Quels conseils pourrais tu donner à quelqu'un qui voudrait débuter dans l'impression 3D ?
Les premières questions à se poser sont : Pour quelle utilisation ? Est-ce que je vais m’en servir souvent ? Est-ce que je ne vais pas m’en lasser ? Suis-je capable de la monter ? Est-ce que je préfère sacrifier la qualité d’impression pour obtenir une machine moins chère ? Une fois répondu à ces questions, on peut orienter son choix vers une machine qui nous correspond le mieux.
Il faut aussi se dire qu’on va devoir apprendre à modéliser et peut être investir dans un logiciel (gratuit ou payant).
Ensuite, il ne faut pas se décourager dès que quelque chose ne fonctionne pas comme prévu, cela arrive fréquemment et c’est en pratiquant que l’on comprends le mieux. C’est une bonne chose d’avoir des explications des uns et des autres, mais rien ne remplacera jamais la pratique et l’expérience.
Il faut d’ailleurs beaucoup de patience pour l’apprentissage, prendre son temps et accepter d’en apprendre tous les jours. J’ai beau utiliser les imprimantes 3D depuis des années, il m’arrive encore d'appeler à l’aide.
Enfin, il faut bien réfléchir à quel filament utiliser. J’ai par exemple fabriqué des brides qui servent à dissocier l’ouverture des portes papillons de ma voiture. Je les ai fabriquées en PLA en pensant que je n’atteindrais jamais les 75°C. Grossière erreur car après m’être arrêté quelques heures au soleil, mes pièces s’étaient totalement déformées. J'ai dû les ré-imprimer en ABS.
Dernière petite astuce : équiper sa machine avec un onduleur pour pallier aux coupures de courant !
Merci Christian pour avoir répondu à nos questions ! Nous te souhaitons de belles aventures avec ton petit bolide et beaucoup de réussite pour ton imprimante CC 3030 !!!
© Photos : Christian C. - Auteur : Fiona